
La néophobie alimentaire
Par
Pauline Benaroch
- Diététicienne
chez Eveil&Conseil

Votre enfant mangeait jusque-là avec appétit tout ce que vous lui proposiez. Maintenant, chaque repas devient plus difficile car il repousse son assiette s’il ne reconnaît pas ses plats préférés….. Cette étape dans l’apprentissage alimentaire d’un enfant est tout à fait naturelle: elle s’appelle la “néophobie alimentaire”.
Elle n’est pourtant pas facile à gérer au quotidien: on essaie de vous guider avec quelques exemples de néophobies alimentaires et ses solutions !!
Qu'est-ce que la néophobie alimentaire?
La néophobie se définie généralement comme la réticence à goûter un aliment nouveau. Elle se caractérise également par une certaine sélectivité des aliments c'est à dire le refus d’aliments acceptés antérieurement et une restriction du registre alimentaire. C’est une phase normale dans le développement des enfants, et survient généralement entre 2 et 10 ans. Après deux ans, 20 à 30% des enfants développent une néophobie alimentaire de manière significative, les garçons davantage que les filles.Comment expliquer la néophobie alimentaire?
Quand votre enfant commence à marcher, il développe progressivement une résistance aux nouveaux aliments en refusant de goûter et repoussant toute nouveauté. Il se sécurise ainsi avec les aliments qu’il connait déjà. Ce comportement inné est l’héritage d’une adaptation à un environnement hostile qui a permis la survie de nos ancêtres bébés. L'apparition de la marche signifiait alors l'exploration des milieux remplis de dangers alimentaires (herbes vénéneuses, baies toxiques, pourritures d’aliments dangereux...). Le refus des aliments est absent les premiers mois car l'enfant est sous la « tutelle » de ses parents qui garantissent sa survie. Cet héritage génétique, développé au cours de millénaires est aujourd’hui conservé. La néophobie est quasi absente les deux premières années de vie puis grandit pendant la petite enfance pour ensuite diminuer graduellement jusque l’âge adulte. Voilà pourquoi les deux premières années de vie sont importantes pour habituer l’enfant aux différents goûts et pour lui faire découvrir le plus grand nombre possible de nouveaux aliments. Il est donc fondamental de varier le plus possible les goûts à partir de la grossesse (les goûts de l’alimentation maternelle sont perçus par le fœtus par l’intermédiaire du liquide amniotique) tout en continuant durant l’allaitement et durant la diversification alimentaire. D'autres situations peuvent expliquer la néophobie alimentaire:- opposition aux parents, phase du “non”
- autonomie: l’enfant veut manger seul et se pose des questions
- changement de situation: entrée à l’école, déménagement, changement d’école, arrivée d’un bébé, conflits à la maison etc...
Quelques idées de pratiques à tester
Votre enfant refuse la viande
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- Tentez de lui proposer de la viande tendre et fine, facile à mastiquer.
- Préparez la viande en boulettes en les amalgamant avec un œuf, du fromage ou des légumes secs.
Votre enfant refuse le lait
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- Proposez lui un yaourt ou ajoutez du fromage râpé dans sa soupe, sur la pizza, dans les pâtes.
- Utilisez du lait pour cuire le riz,
- Préparez des crèmes à base de lait (voir notre article Envie d’autre chose que le yaourt ou le petit suisse? Testez la délicieuse semoule au lait).
Votre enfant ne veut que du lait
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- Encouragez votre enfant à boire de l’eau entre les repas.
- Préférez le lait pour le petit déjeuner et le goûter. Evitez de lui proposer du lait au moment des repas.
- S’il prend encore le biberon, essayer d’introduire l’usage du verre.
Votre enfant refuse les fruits et légumes
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- S’il refuse les légumes, proposez lui davantage de fruits et variez. Vice et versa pour les fruits.
- Proposez-lui des légumes crus pour lui permettre de les manipuler avec les mains, à cet âge là, la patouille, ils adorent encore ça ;-)!
- Allez au supermarché avec lui pour choisir ensemble les fruits ou légumes. Voir notre article Faire les courses avec votre enfant, une occasion pour apprendre!
- Proposez-lui des milkshakes ou des jus à base de fruits et légumes grâce à une centrifugeuse ou extracteur. Regarder les aliments tourbillonner sollicitera sans doute la curiosité de votre enfant!
- Lors d’un apéro convivial, proposez lui un verre comme « les grands »: préparez lui un spritz baby, c’est-à-dire : 3/4 de jus de pêche, quelques gouttes de citron et ¼ d’eau pétillante. La fête quoi !
Votre enfant ne veut que des desserts ou produits sucrés
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- Limitez l’achat de produits sucrés et privilégiez les gâteaux et desserts fait maison dont vous pouvez contrôler/ diminuer la quantité de sucre et matières grasses.
- Evitez d’utiliser les produits sucrés comme récompense ou chantage.
- Servir les produits sucrés au petit déjeuner principalement.
- Les personnes souvent présentes avec votre enfant au quotidien doivent respecter vos règles, même votre belle-mère!
Comment accompagner la néophobie alimentaire?
La néophobie, bien que tout à fait normale, peut parfois être difficile à vivre pour toute la famille.- Faites preuve de patience. Il peut être nécessaire de présenter les aliments refusés jusqu’à 10 fois en moyenne. Allez-y petit à petit et étape par étape. Laissez-lui le temps d’apprivoiser l’aliment : le regarder, le nommer, le toucher (avec les doigts ou un ustensile si c’est plus facile), le sentir, l’approcher de la bouche pour peut-être essayer de le goûter !
- Utilisez votre créativité et votre imagination : n’hésitez pas à proposer l'aliment sous différentes formes, dans différentes préparations, à changer les contenants, cachez-les dans une recette etc. N'oublions pas que le goût est une expérience multisensorielle. L'alimentation passe également par les yeux, le nez, les mains...
- Encouragez votre enfant à tester les aliments et persévérer, rien n’est jamais perdu ! Félicitez-le quand il les re-goûte.
- Montrez lui l’exemple. Le mimétisme est très efficace chez les enfants, ils reproduisent tout ce que leurs parents font. Vous pouvez susciter son intérêt en partageant des repas en famille, tout en créant une ambiance agréable à table. En montrant l'exemple de cette manière, votre enfant comprendra qu'il peut se sentir en confiance et en sécurité en essayant cet aliment.
- Impliquez-le : Emmenez-le au marché et faites le participer aux repas.
- Ne le forcez jamais ! Cela pourrait avoir comme conséquence l’effet inverse et renforcer le refus.
- Ne lui mentez pas, ne lui faites pas manger un aliment en lui donnant le nom d’un aliment qu’il aime. Par exemple, ne lui faites pas manger des brocolis en lui disant que c’est des pâtes. Même si nos jeunes enfants croient beaucoup de choses qu’on leur dit, il est très important de maintenir cette relation de confiance !
- Votre enfant a le droit de ne pas aimer mais aidez-le à verbaliser ses sensations alimentaires : « C’est amer », « C’est mou », “C’est dur” etc…
- Malgré ses refus, il est important de laisser ses aliments "problématiques" dans le quotidien de votre enfant. En vous voyant les manger, les cuisiner il pourra choisir un jour d'y goûter.
- Cuisiner avec votre enfant est également une excellente façon de lui donner envie de (re)découvrir ces aliments.
- Enfin, la convivialité du repas est essentielle. Ne laissez pas la néophobie impacter ces moments de repas en famille.