L’angoisse du 8ème mois

Par Jeanne Ribierre - Psychologue chez Eveil&Conseil

Vers l’âge de 8 mois, vous observez que votre enfant se met à pleurer lorsque vous vous éloignez, que les séparations sont de plus en plus difficiles et que la présence d’étrangers peut provoquer des crises de larmes. Ces réactions peuvent vous étonner et vous contrarier car tout cela ne posait pas de problème auparavant… Mais, on vous rassure, il s’agit d’une étape tout à fait normale dans le développement de votre bébé. On parle communément de l’angoisse du 8ème mois.

Qu’est-ce que l’angoisse du 8ème mois ?

Votre bébé est en proie à une angoisse de séparation qu’on appelle “angoisse du 8ème mois” car elle apparaît généralement autour du 8ème mois ! Elle fait référence à l’une des peurs les plus archaïques et fréquentes:  la peur de l’étranger. Rassurez-vous, elle est passagère ! Cependant, vous pouvez aider votre bébé à surmonter cette nouvelle étape de son développement.

Comment s'explique l'angoisse du 8ème mois?

À la naissance, votre enfant n’a pas la notion de ses limites corporelles et psychiques. C’est-à-dire qu’il ne fait pas la distinction entre ce qui lui est propre (son pouce) et ce qui ne l’est pas (vous, votre sein par exemple). Il n’a donc aucune notion de ce qui est LUI et de ce qui est extérieur à lui, le NON-LUI : on dit qu’il y a une indifférenciation entre lui et l’extérieur. De façon graduelle, votre enfant va prendre conscience qu’il ne forme pas un tout avec son environnement mais que les objets et les personnes sont différents de lui : la différenciation est en cours ! Et elle aura deux conséquences: Désormais votre enfant va faire la différence entre les objets et les personnes connus, familiers, et ceux étrangers ou inhabituels. Il reconnaîtra donc le visage de ses proches et sera apaisé, en confiance en leur présence. Mais avec des inconnus il sera méfiant et insécurisé, ce qui peut provoquer des pleurs. Voilà donc pourquoi votre bébé de 8 mois pleure dans les bras de la voisine alors qu’à 2 mois il ne disait rien! Parallèlement, il comprend aussi que si ses proches sont différenciés de lui, bien distincts, cela signifie qu’ils ne sont pas toujours présents, près de lui. Mais puisque, pour l’instant, votre enfant ne considère un objet (ou une personne) comme existant que s’il est dans son champ de vision, en son absence il aura donc peur que l’objet ait disparu. En d’autres termes, si vous quittez la pièce, il aura peur que vous ayez tout bonnement disparu ! C’est pour cette raison qu’il se met à pleurer et que les séparations sont si difficiles pour lui.

Comment remédier à cette angoisse ?

Cette angoisse disparaîtra spontanément car, une fois que votre enfant a intégré tout cela, la notion de permanence de l’objet se met généralement en place. Le nom est un peu barbare, mais c’est tout simple ! Cela veut dire que votre enfant comprend désormais que l’objet ou la personne continuent d’exister même s’il ne peut pas en faire l’expérience sensorielle. Pour en savoir plus sur ce concept, consultez notre article La permanence de l’objet. Vous y trouverez également des petits jeux à faire avec votre bébé qui vont lui permettre de développer cette notion. Toutefois, l’angoisse de séparation doit être accompagnée correctement afin d’éviter qu’elle ne perdure (parfois jusqu’à l’âge adulte). Voici quelques préconisations. L’idéal est de verbaliser (oui, oui, même à 8 mois ! On ne vous le dira jamais assez !):

  • D’une part : reconnaître l’angoisse de votre enfant « je sais, je vois que tu es angoissé quand je ne suis pas là mais… »

  • D’autre part : expliquer que le jouet est toujours là ou que papa/maman reviendront toujours. « je reviens toujours, ne t’inquiète pas ».

Même si la séparation (crèche, garde, etc.) est inévitable, la manière dont vous allez le formuler à votre enfant est importante. Evitez les menaces ou les départs trop précipités. Prenez le temps de le préparer aux séparations plusieurs minutes à l’avance en lui expliquant ce qu’il se passe et en lui disant au revoir. Et qui dit au revoir dit retrouvailles ! Faites attention pendant cette période à ne pas considérer les pleurs de votre bébé comme un caprice. Car sa détresse est bien réelle. Soyez rassurants et particulièrement attentifs aux demandes de réconfort de votre enfant.